Ressources et procédures d’accompagnement des personnes à besoins spécifiques
Dans le cadre du cours de ressources et procédures d’accompagnement des personnes à besoins spécifiques, il nous a été demandé de réaliser un résumé du témoignage d’une intervenante.
Handicap –
Déficience – Accompagner l’annonce du diagnostic
Intervenante : Dominique Damas ” formatrice pour la Plateforme Annonce Handicap (PAH) &
présidente de l’association X fragile Belgique.
Objectifs de la
PAH :
– amélioration des conditions de l’annonce d’un diagnostic de déficience et de
l’accompagnement des personnes en situation de
handicap ainsi que leur famille.
Public ciblé
– Les professionnels : médecins, psychologues, (para)médical,
éducation, social ” toutes les
personnes qui vont accompagner la personne et l’entourage
– La personne porteuse du handicap
– Les parents et la fratrie
– Tout public
1. Contexte
Mauvaise nouvelle
= annonce qui modifie profondément et de
manière péjorative l’avenir d’un individu.
« C’est ce
qu’un médecin n’a pas envie de dire à un malade qui n’a pas envie d’entendre. »
Elle peut résulter d’une maladie, d’un accident ou d’un handicap. ” Selon la définition de l’OMS, le handicap est une déficience, une incapacité, un désavantage ” Dans la vie de tous les jours, la personne porteuse d’un handicap peut avoir des désavantages au niveau physique, mental, social ou affectif. Par exemple, un enfant qui manque d’affection est un individu qui vit une certaine forme de handicap.
Enfance : +/- 175.000 grossesses en Belgique
- 120.000 naissances ” 3 à 5 % handicaps à la naissance (5070 diagnostics annuels), dont 15 % handicap à 80 %
- +/- 27.500 Fausses couches (1 sur 6)
- +/- 19.000 IVG (dont ± 600 IMG)
” +/- 7.000 déficiences et maladies orphelines
Adulte :
- +/- 10% de la population porteuse de handicap (prévisions : 15 à 20 %)
Il y a deux pics d’augmentation du détectage.
Vers 5 ans (test de service PMS) : on arrive à identifier les retards
et les difficultés avant l’entrée en primaire.
Vers 7 ans : on se rend compte de certaines difficultés dues à l’arrivée
en primaire.
Chaque annonce du diagnostic est unique et se
caractérise par le contexte, le type de déficience, le type de pronostic et le
moment de l’annonce (unicité des situations).
Celui-ci varie également en fonction du vécu (Émotions
– Difficultés – Mobilisation).
2. Les enjeux : pourquoi annoncer une mauvaise nouvelle ?
Il y a toujours
un avant (pourquoi) et un après (pour quoi !). Le diagnostic est important car il permet de déterminer la cause
et donc :
- de traiter la maladie,
- d’accompagner le patient,
- de mettre fin aux illusions,
- de donner un nom (adversaire connu et risque d’étiquette).
3. Réalités de l’annonce et conséquences pour la personne et sa famille
3.1. L’effet de l’annonce : 3 étapes
3.1.1. Choc –> il peut se vivre de plusieurs manières
- Sidération (80%) : c’est la fin du monde, un séisme, une bombe, un tsunami, un trou noir, un arrêt sur image. Le cerveau s’est coupé, il ne fonctionne plus. Le mécanisme humain va se défendre contre une annonce insurmontable.
- Incandescence (20%) : le cerveau va s’emballer et ça ne s’arrête pas. C’est un emballement, une confusion, une hyper attention, une surexcitation, une hyper perception, une hyper sensibilité.
Dans les deux situations, physiquement, rien ne transparait. On pourrait croire que la personne est dans le déni alors que ce n’est pas le cas. Elle vit plusieurs émotions en même temps et donc rien ne transparait.
3.1.2.
Dépression
Elle engendre des pertes
multiples : amis, confiance en soi, estime de soi, perte de complicité
avec son mari, etc… Suite à cela, des portes se ferment : l’école ne veut
plus des enfants, les parents sont virés de leur travail, etc. Cela ajoute des
douleurs intenses à la situation et à l’annonce du handicap qui est déjà
compliqué pour la famille.
Au moment de l’étape 1 (choc) et de l’étape 2 (dépression), une tempête émotionnelle (colère, incrédulité, sentiment de solitude, honte, peur, anxiété, sentiment de révolte, blessure narcissique, effondrement, culpabilité, soulagement, rejet, agressivité, tristesse, etc.) survient au sein de la famille.
3.1.3. Réorganisation
Au début, on essaye de survivre : pris par l’annonce, on fait juste
l’essentiel.
Ensuite, il faut vivre avec, ce n’est pas forcément que l’on accepte la maladie
mais on apprend à vivre avec, à la faire passer au second plan. On apprend à
faire en sorte de la faire nôtre. Puis, il faut savoir se reconnaitre, définir
un autre projet de vie. La vie n’est plus celle que l’on avait imaginée.
Avec les années, nous entrons en résilience. C’est un long chemin qui ne va pas
se faire tout seul, mais il ne faut pas parler de deuil.
3.2. Les mécanismes de protection du patient et de sa famille
Au moment de l’annonce du diagnostic, la famille va développer des mécanismes de protection qui vont permettre d’amortir le choc.
Non pathologiques / amortisseurs :
- Déni : la personne se dit : « laissez-moi du temps pour accepter ».
- Projection agressive : les parents extériorisent leur colère car, ils ne savent pas faire autrement, il ne faut pas le prendre personnellement, il faut les laisser s’exprimer.
- Régression : répondre non à toutes les questions (comme si le handicap empêchait de vivre) ” identifier et montrer aux parents que l’on voit toutes les compétences de l’enfant.
- Déplacement.
- Maitrise : le parent qui veut connaitre le sujet sur le bout des doigts, c’est sa façon à lui de canaliser ses émotions.
- Isolation : il fait l’essentiel mais dès qu’il pourra s’isoler et ne plus voir la vie des autres, il le fera pour vivre ses émotions seul et à l’abri des regards.
3.3. La compréhension / L’incompréhension du diagnostic
Au début, la famille fait face à l’incompréhension (nouveauté totale, utilisation de termes médicaux et scientifiques que la famille ne comprend pas toujours).
Puis, il va y avoir une confusion entre diagnostic et pronostic. Les proches de la personne porteuse de handicap vont avoir tendance à faire des recherches sur internet malgré des risques de mauvaises informations ou différentes de celles données par le médecin.
3.4. Réactivation de l’annonce
Une fois l’annonce passée, il y a des facteurs qui réactivent les émotions. Les facteurs médicaux suite à l’évolution de la maladie et les facteurs sociaux (les mises à l’écart, les situations qui nous font revivre le handicap, le regard de la société, le rejet, les peurs, les obstacles de la vie quotidienne, etc..).
- Restructuration, adaptation (vie familiale/lieu)
- Difficultés financières, perte d’emploi
- Perte de relations (amis, proches, famille)
- Difficultés dans le couple (séparation)
- Absence ou manque d’aides et de répit
- Aidant proche incompris et pas soutenu
- Renoncement à de nombreux projets de vie
- Place de la fratrie (sentiment de jalousie ou de culpabilité)
- Rejets, regards, ignorances
- Difficultés de trouver une structure adaptée
- Absence de perspective
- Surprotection
- Difficultés dans la communication.
” Elles sont toutes reliées, l’une entrainant l’autre. Tout cela engendre l’isolement et le repli familial.
Après le chemin de résilience, on se rend compte que dans les familles, les difficultés deviennent des forces et les liens (au niveau de la famille, des amis et du couple) sont plus forts.
3.6. Complexité administrative
9 ministères compétences
Fédéral (3)
Régional (4)
Communautaire (2)
” Surcharge quotidienne = abandon des droits et des aides car manque de temps et de connaissances.
3.7. Attentes des patients, des parents
Le médecin et la famille créent une relation. De celle-ci, les parents attendent d’être informés, écoutés, reconnus et accompagnés. Quant à lui, le professionnel doit faire preuve d’écoute, de tact, d’empathie, de compassion, d’humanité et d’humilité.
4. Réalités pour le professionnel : le vécu
Les émotions ressenties par le professionnel sont différentes en fonction du vécu (impuissance, inquiétude, tristesse, échec, désarroi/malaise, pitié, empathie, solitude, culpabilité). Cependant, celui-ci ne doit pas entrer en jeu.
Le professionnel doit avoir conscience de ses peurs, de ses émotions, de ses représentations et de ses convictions. Il est important de savoir comment on va le dire et ce qu’on va dire.
4.2.
Les mécanismes de protection du professionnel
Non pathologiques :
- Identification projective : si le médecin doit annoncer à des parents que leur enfant de 8 ans a un cancer alors que son enfant à lui a aussi 8 ans.
- Fuite en avant : annoncer très vite le diagnostic et vouloir s’enfuir.
- Évitement : demander à l’assistante d’annoncer le diagnostic
- Banalisation : « je vous annonce cela mais ça va aller, vous n’êtes pas le seul ».
- Fausse rassurance : annonce une bonne nouvelle du fait qu’il n’y a pas de mauvaise nouvelle.
- Mensonge.
4.3.
Pourquoi savoir faire une telle annonce ?
Au cours de sa carrière
professionnelle, le médecin doit savoir faire une annonce car
- c’est fréquent,
- c’est stressant (pour le médecin car il a peur des réactions du patient, confrontation à soi, aux autres, au pire, il est impuissant. C’est en opposition avec le postulat. Il y a une méconnaissance des maladies rares et des structures d’aides.),
- c’est déterminant (pour établir une relation de confiance et pas de méfiance),
- c’est légal.
” C’est une aptitude qui s’apprend. C’est un savoir-faire
(connaissance des réactions traumatiques, stratégies d’annonce) et un savoir
être (rencontre de soi, rencontre de l’autre, aptitude à communiquer).
5. Le processus de l’annonce
5.1. Stratégie générale : 4 étapes
AVANT la
rencontre ” Mise au point
PENDANT la rencontre ” L’annonce
EN FIN de rencontre ” La clôture
APRES la rencontre ” La prise en charge
5.1.1. Avant la rencontre (mise au point)
Questions +
dossier + environnement = sérénité
A qui ? Que sais-je ? Que dire ?
A qui annoncer ? Lorsqu’il s’agit d’un adulte, l’annonce est faite au patient et il choisit d’en informer sa famille ou non. Lorsqu’il s’agit d’un enfant, l’annonce est faite aux parents (le couple ou s’il y en a qu’un des deux qui sait venir, on essaie qu’il soit accompagné). Est-ce que l’enfant doit être présent ? Il n’y a pas de réponses. Il y a aussi la question de qui va expliquer la situation au parent absent.
Quand et où (environnement) ? Jamais par téléphone ou par courrier. Choisir un lieu intime, confortable et tranquille. Il faut prévoir 40 minutes et s’adapter aux disponibilités des parents, ça ne sert à rien de l’annoncer 4 mois après. L’idéal, c’est de l’annoncer en fin de journée et pas le vendredi soir. Il faut avoir des outils didactiques et faire preuve de créativité pour accompagner la famille au mieux.
5.1.2. Pendant la rencontre (l’annonce)
Stratégie de communication : structure de la rencontre
Phase d’accueil (très courte) ” phase de préparation (ce qu’on a fait) ” phase d’information ” phase de gestion (évaluer le niveau de
compréhension, soutien émotionnel, évaluation de la détresse)
La communication
Communication verbale : importance des mots choisis
L’écoute : s’assurer que les parents ont compris ” questionner, évaluer
La parole : ce que je dis, comment je le dis, ce qui est compris, ce qui
est entendu
Communication non verbale : le lien et la distance.
La communication non verbale
Bienveillance : gestuelle, regard, posture
” Attitude corporelle = 60 %
” Timbre de la voix & rythme = 25 %
” Ce qui est dit = 15 %
5.1.3. En fin de rencontre (la clôture)
Messages clés : « Je suis à vos côtés »
” Laisser les cordonnées + déterminer le médecin référent
” Fixer un prochain rendez-vous ” passé le choc émotionnel, vérifier la bonne compréhension, voire réexpliquer le diagnostic ” mettre par écrit les questions posées
” Aide ? ” Aide psychosociale : Ne pas précipiter les soutiens nécessaires qui « renforcent » le diagnostic / Le proche « aidant ».
5.1.4. Après la rencontre (l’accompagnement, le suivi)
Se poser des questions :
– Prochaine consultation ” Quels sujets aborder ? A-t-il bien compris ? Que me reste-il à dire ? Quel suivi proposer ?
– A qui transmettre les informations ? ” Médecin traitant, quel médecin référent ? Autre spécialiste ?
– Comment accompagner ? ” Psychologue ? Autre spécialiste ? Assistante sociale ? Service d’accompagnement ? Travail en équipe ++++.
– Ces questions sont posées afin de s’assurer de la compréhension du diagnostic par le patient.
6. Les outils de la Plateforme Annonce Handicap
La Plateforme a donc développé un site internet et trois livrets qui regroupent des témoignages qui aident à la compréhension. Elle donne également des formations et des sensibilisations au sujet du handicap.
Bibliographie
Mbo Gonda, A. (2019-2020). Ressources et procédures d’accompagnement des personnes à besoins spécifiques : intervenants. Document non-publié. Haute Ecole de Bruxelles.
Clément Laura, Demey Morgane & Tréfois Marie